Ce volume était déjà composé et sur le point de paraître lorsque les événements du 13 mai ont éclaté. Après réflexion, il m'a paru que sa publication restait souhaitable, qu'il constituait même un commentaire direct de ces événements et que, dans la confusion actuelle, la position et les solutions de synthèse qui sont ici définies devaient l'être plus que jamais. De vastes changements s'opèrent dans les esprits en Algérie et ces changements autorisent de grandes espérances en même temps que des craintes. Mais les faits, eux, n'ont pas changé et, demain, il faudra encore en tenir compte pour déboucher sur le seul avenir acceptable : celui où la France, appuyée inconditionnellement sur ses libertés, saura rendre justice, sans discrimination, ni dans un sens ni dans l'autre, à toutes les communautés de l'Algérie. Aujourd'hui, comme hier, ma seule ambition, en publiant ce libre témoignage, est de, contribuer, selon mes moyens, à la définition de cet avenir.Il est né le 13 novembre 1913, à Mondovi, département de Constantine, en Algérie, alors colonie française, dans un milieu très modeste. Son père, Lucien, caviste dans une exploitation vinicole, fut blessé en 1914 à la bataille de la Marne et mourut à Saint-Brieuc, «le crâne ouvert. Aveugle et agonisant pendant une semaine... Il était mort au champ d'honneur, comme on dit» (“L’envers et l’endroit”) ; il ne le «connut» donc qu'en photographie. Venue s’installer à Alger, dans le quartier populaire de Belcourt, sa mère, Catherine Sintes, qui était d'origine espagnole, qui ne savait ni lire ni écrire, qui parlait peu, faisait des ménages pour vivre. Avec son frère et le reste de sa famille, ils vivaient à six parfois sept, dans un trois-pièces sans eau ni électricité : «Je n'ai pas appris la liberté dans Marx. Il est vrai : je l'ai apprise dans la misère» (“Actuelles I”). Mais le jeune Albert était un amoureux du soleil et de la mer : «J’ai grandi dans la mer et la pauvreté m'a été fastueuse. Puis j'ai perdu la mer, tous