Candide ou l'optimisme
Voltaire emprunte son incipit à la tradition des contes merveilleux ; ainsi, les premiers mots du texte reprennent la formule consacrée, le
« Il y avait… » étant un écho évident des « Il était une fois… ». L’imparfait, qui est le temps dominant du passage, renvoie au temps indéfini des contes et légendes ; le décor de l’extrait semble lui aussi emprunté au conte : on retrouve un château, un baron puissant et une « princesse
» désirable. Quant au héros du conte, il ne déroge pas à la règle c’est un roturier aux origines obscures, que le lecteur soupçonne d’être un prince en puissance (voir l. 6-11). Mais ces emprunts au conte sont tous faits sur le mode parodique 1 : le château dénote la puissance et la richesse, parce qu’il a « une porte et des fenêtres » (l. 13) ; Cunégonde n’est pas belle, mais « haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante ».
Pangloss est prétendument « le plus grand philosophe de la province », mais la discipline qu’il enseigne (voir l. 27-28) tendrait à prouver le contraire ; de fait, ses raisonnements (l. 32-43) s’illustrent par leur absurdité, et par l’inversion comique des causes et des effets. Il s’agit donc bien ici d’une parodie de conte, qui s’achève à la ligne 52 : la locution temporelle « un jour », ainsi que l’usage du passé simple dans le
paragraphe suivant, montrent que l’on est sorti du temps du mythe, pour entrer dans celui de l’histoire. L’élément de réalité le plus frappant intervient dès la première ligne : à la formule traditionnelle du conte répond une localisation géographique tout à fait réelle (« Il y avait en Vestphalie »), d’autant plus que la « Vestphalie » renvoie à Minden, la ville mentionnée dans le troisième niveau de titre, qui elle-même renvoie à une bataille sanglante…
On est bien loin, alors, de l’univers des contes. L’attitude du baron, évoquée par le deuxième paragraphe, relève elle aussi de la réalité plus que du conte : le soin qu’il