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Controverse sur la rénovation de la science juridique
Jean-Pascal CHAZAL
Professeur des Universités à Sciences Po.
Le XIX° siècle finissant, une nouvelle génération de juristes éprouva le besoin de rénover la science juridique. Ce besoin de rénovation s’expliquait par plusieurs facteurs. En premier lieu, le Code Civil avait vieilli et ne correspondait plus aux besoins de la société française de la fin du XIX° siècle. Malgré les quelques rares ruptures par rapport à l’Ancien droit, ce Code était davantage l’héritage de la tradition romano-médiévale qu’une œuvre révolutionnaire. Il était donc plus tourné vers le passé qu’il avait pour but de consolider, que vers l’avenir qu’il était difficile d’anticiper. En deuxième lieu, le XIXème siècle a connu des bouleversements économiques et sociologiques impressionnants : l’avènement et le développement d’une économie capitaliste avec l’apparition d’une classe prolétarienne, l’urbanisation de la France, le développement du machinisme et d’autres bouleversements technologiques liés au progrès technique. Enfin, et en troisième lieu, la France commençait à s’acclimater aux valeurs démocratiques et républicaines qui s’enracinaient de plus en plus profondément depuis 1870, et qui ont contraint la doctrine, pas toujours de bon gré1, à reconnaître la légitimité du droit dans le peuple et sa représentation nationale, plutôt que dans la tradition savante. Approuvée par certains, redoutée par d’autres, la démocratisation de la production du droit, c'est-à-dire le fait incontestable que la source première du droit devient la loi et non plus la doctrine ou la jurisprudence, a entraîné son évolution dans le sens de la satisfaction des besoins sociaux du plus grand nombre, au prix parfois d’une détérioration des techniques juridiques. La doctrine française, à des degrés divers selon les auteurs, n’était pas restée indifférente aux évolutions sociales. Loin de se contenter d’une simple exégèse des articles du