Clair De Lune
La lune était sereine et jouait sur les flots.
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Là-bas, d'un flot d'argent brode les noirs îlots.
De ses doigts en vibrant s'échappe la guitare.
Elle écoute... Un bruit sourd frappe les sourds échos.
Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos,
Battant l'archipel grec de sa rame tartare ?
Sont-ce dont des cormorans qui plongent tour à tour,
Et coupent l'eau, qui roule en perles sur leur aile ?
Est-ce un djinn qui là-haut siffle d'une voix grêle,
Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?
Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? -
Ni le noir cormoran, sur la vague bercé,
Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé
Du lour vaisseau rampant sur l'onde avec des rames.
Ce sont des sacs pesants, d'ou partent des sanglots.
On verrait, en sondant la mer qui les promène,
Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine... -
La lune était seraine et jouait sur les flots.
Orientales, Victor Hugo
Contexte biographique et littéraire
Janvier 1829, Vicor Hugo a 29 ans et écrit un recueil de poésie intitulé Les Orientales. Il y développe à travers le lyrisme et le romantisme ambiant et par l'imaginaire et l'exotisme à la mode : une dénonciation de la guerre d'indépendance gréco-turque. Cependant, il s'en défendait dans sa préface et préfère l'imaginaire à la dénonciation.
Il met ici en scène une sultane libérée à travers un épisode qui semble anecdotique mais qui revèle une dimension toute autre.
Le poème suit un schéma narratif : Le poème est dabord ancrée dans une marine nocture calme (vers 1 et 20), suit à ça vient un élément perturbateur (vers 6) solutionné lors d'un parallélisme de construction (vers 17). Les péripéties sont traduites par toutes les interrogatives (vers 10, 12 et 13) qui exprime l'inconnu dans laquelle se trouve la sultane.