Colonel chabert le portrait
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Le jeune avoué demeura pendant un moment stupéfait en entrevoyant dans le clairobscur le singulier client qui l’attendait. Le colonel Chabert était aussi parfaitement immobile que peut l’être une figure en cire de ce cabinet de Curtius où Godeschal avait voulu mener ses camarades. Cette immobilité n’aurait peut-être pas été un sujet d’étonnement, si elle n’eût complétélespectaclesurnaturelqueprésentaitl’ensemble du personnage. Le vieux soldat était sec et maigre. Son front, volontairement caché sous les cheveux de sa perruque lisse, lui donnait quelque chose de mystérieux. Ses yeux paraissaient couverts d’une taie transparente : vous eussiez dit de la nacre sale dont les reflets bleuâtres chatoyaient à la lueur des bougies Le visage pâle, livide, et en lame de couteau, s’il est permis d’emprunter cette expression vulgaire, semblait mort. Le cou était serré par une mauvaise cravate de soie noire. L’ombre cachait si bien le corps à partir de la ligne brune que décrivait ce haillon, qu’un homme d’imagination aurait pu prendre cette vieille tête pour quelque silhouette due au hasard, ou pour un portrait de Rembrandt, sans cadre. Les bords du chapeau qui couvrait le front du vieillard projetaient un sillon noir sur le haut du visage. Cet effet bizarre, quoique naturel, faisait ressortir, par la brusquerie du contraste, les rides blanches, les sinuosités froides, le sentiment décoloré de cette physionomie cadavéreuse. Enfin l’absence de tout mouvement dans le corps, de toute chaleur dans le regard, s’accordait avec une certaine expression de démence triste, avec les dégradants symptômes par lesquels se caractérise l’idiotisme, pour faire de cette figure je ne sais quoi de funeste qu’aucune parole humaine ne pourrait