Commentaire de texte sur l'incipit de jeannot et colin
Peu après avoir appris la mort de sa mère, Meursault, le protagoniste du roman L'Étranger d'Albert Camus fait le voyage d’Alger à Marengo pour aller à l’enterrement. Ce passage, de l’annonce de la mort jusqu’à la fin du trajet en bus, forme le tout début du récit, qui porte en germe son évolution, voire son sens entier. Le morceau considéré ici constitue une unité textuelle. L’incident du décès de la mère marque l’avènement de l’étranger à lui-même, à la conscience qu’il a de son être-étranger-au-monde, de son indifférence aux choses et aux gens. D’un bout à l’autre du texte qui ouvre L'Étranger, Meursault se déclare étranger. Le télégramme enclenche le mouvement mécanique qui ébranle Meursault à son corps défendant. Le processus funèbre révèle sa distance avec le deuil à travers les réactions de son entourage professionnel et amical. La pression sociale intempestive le place en porte-à-faux vis-à-vis d’autrui, en position d’étranger…
2. Le froid télégramme informe la séquence mécaniste d’actions
Au traumatisme de la mort de l’être cher se substitue le froid libellé de l’annonce du décès par télégramme. La fameuse ouverture : « Aujourd’hui, maman est morte », qui comprend une nuance affective, est aussitôt altérée par la traduction de l’événement en termes proprement télégraphiques, parataxiques, impersonnels. L’écriture blanche, volontairement minimaliste, mime aussi le style du télégramme.
Mais ce sont ces mots qui enclenchent la suite des actions, qui ébranlent la mise en route du narrateur. Le décès entraîne l’enterrement qui nécessite de prendre l’autobus, de demander un congé, d’emprunter cravate et brassard pour jouer le deuil, de se fatiguer dans l’affaire. Meursault ne montre pas plus d’émotion que le ton du télégramme qui dicte son d’action à suivre. S’il court pour prendre le bus, c’est bien « pour ne pas manquer le départ », le début de l’histoire en somme, qu’induit le télégramme.
Cette séquence mécaniste d’actions induit une