Commentaire rédigé
Marivaux, Fausses Confidences, Acte II, scène 13 (1737)

Un amour contrarié entre deux jeunes gens, les figures du père autoritaire et du valet rusé, des quiproquos et des stratagèmes en tous genres, tels sont les ingrédients traditionnels de la comédie et les ressorts d’une intrigue qui finit toujours bien. Au XVIIIème siècle, Marivaux ne déroge pas à cette tradition mais il lui donne un charme particulier et une profondeur psychologique en intériorisant les obstacles. Ses comédies se fondent sur les réticences des deux personnages principaux à s’avouer leur amour – à eux-mêmes comme à l’autre – et sur une intrigue qui vise à faire éclater la vérité des sentiments et la transparence des cœurs. Les Fausses Confidences, jouées en 1737, orchestrent ce jeu subtil de l’amour et dans la scène 13 de l’acte II, Araminte met à l’épreuve son intendant Dorante en lui dictant une fausse lettre de consentement au mariage avec un comte qui veut l’épouser. Elle sait que Dorante l’aime mais il se dérobe et elle veut lui arracher son aveu. De quelle manière le stratagème de la lettre permet-il la révélation des sentiments ? Après avoir montré l’efficacité de ce procédé dramaturgique, nous verrons qu’il permet d’une part de donner à la scène une dimension comique et d’autre part de dévoiler, malgré eux, l’amour que ressentent les personnages.

La lettre qu’Araminte dicte à Dorante constitue un dispositif scénique efficace sur lequel reposent le jeu des acteurs et la tension dramatique de la scène et dont le contenu souligne l’habileté du stratagème. Tout d’abord la lettre est au centre de l’action. Elle concrétise la décision d’Araminte et l’annonce de la première réplique : « je suis déterminée à épouser le Comte » (l.1) se transforme en acte par l’intermédiaire de l’ordre donné : « écrivez le billet que je vais vous dicter »(l.6). Le verbe « écrire » apparaît sept fois : tantôt à l’impératif, tantôt au passé