Critique du programme de gotha
Karl Marx
1. - Le travail est la source de toute richesse et de toute culture, et comme le travail productif n'est possible que dans la société et par la société, son produit appartient intégralement, par droit égal, à tous les membres de la société.
PREMIÈRE PARTIE DU PARAGRAPHE : «Le travail est la source de toute richesse et de toute culture. »
Le travail n'est pas la source de toute richesse [1]. La nature est tout autant la source des valeurs d'usage (qui sont bien, tout de même, la richesse réelle !) que le travail, qui n'est lui-même que l'expression d'une force naturelle, la force de travail de l'homme. Cette phrase rebattue se trouve dans tous les abécédaires, et elle n'est vraie qu'à condition de sous-entendre que le travail est antérieur, avec tous les objets et procédés qui l'accompagnent. Mais un programme socialiste ne saurait permettre à cette phraséologie bourgeoise de passer sous silence les conditions qui, seules, peuvent lui donner un sens. Et ce n'est qu'autant que l'homme, dès l'abord, agit en propriétaire à l'égard de la nature, cette source première de tous les moyens et matériaux de travail, ce n'est que s'il la traite comme un objet lui appartenant que son travail devient la source des valeurs d'usage, partant de la richesse. Les bourgeois ont d'excellentes raisons pour attribuer au travail cette surnaturelle puissance de création : car, du fait que le travail est dans la dépendance de la nature, il s'ensuit que l'homme qui ne possède rien d'autre que sa force de travail sera forcément, en tout état de société et de civilisation, l'esclave d'autres hommes qui se seront érigés en détenteurs des conditions objectives du travail. Il ne peut travailler, et vivre par conséquent, qu'avec la permission de ces derniers.
Mais laissons la proposition telle qu'elle est, ou plutôt telle qu'elle boite. Quelle conclusion en devrait-on attendre ? Evidemment celle-ci :
« Puisque le travail