Dans tout amour n’aime-t-on jamais que soi-même
I) Tout amour est égoiste II) Tout amour est altruiste III) Tout amour est amour de soi
« Aime ton prochain comme toi-même », « charité bien ordonnée commence par soi-même », préceptes chrétiens et proverbes qui semblent privilégier le modèle de l’amour de soi, voire de l’égoïsme comme seul référent possible à l’amour de l’autre. Est-ce à vrai dire que dans tout amour on n’aime jamais que soi-même ? Si l’on parle d’amour, c’est bien pour dire que dans cette relation singulière à l’autre, qui n’est ni la haine, ni l’indifférence, l’autre m’obsède ou me fait souci ou me comble : aimer l’autre c’est favoriser d’abord son point de vue ou son intérêt.
Mais le « je » ne saurais totalement s’effacer. C’est bien moi qui éprouve cette amitié, cette attirance ou cet amour parfois non partagé. L’autre risque toujours de n’être qu’un objet pour ma conscience, d’intérêt que pour elle-même. C’est donc ce type de présence de l’égo face à l’autre en amour que nous seront amenés à analyser : l’égocentrisme propre à la conscience (qu’il prenne la forme de l’égoïsme ou de l’amour de soi) anéantit-il définitivement tout amour authentique de l’autre ?
Dans la mesure où chaque conscience est solitaire, comment prétendre pouvoir rencontrer l’autre ? C’est toujours d’ailleurs à partir de moi que je vise l’autre. Et lorsque j’aime, je peux penser que ce que j’éprouve de l’autre, à la fin, relève réellement de ma seule conscience ; ce que je nomme l’amour d’un autre ne porte que sur certains vécus de ma conscience ; inexplicablement provoqués, dans la meilleure hypothèse, par une cause occasionnelle que j’appelle l’autre et qu’il n’est pas ». J.L Marion, Prolégomènes à la charité, l’intentionnalité de l’amour. Ainsi, dans la passion amoureuse, l’autre est transfiguré, idéalisé, sans toujours posséder lui-même les qualités que je lui prête. Si l’autre me hante, c’est un autre dont j’ai isolé quelques qualités. Si