Definir l'homme
Par Albert Jacquard
Comme je suis totalement incomp�tent en toxicomanie, je me r�fugie dans le second terme de la rencontre d'aujourd'hui�: l'humanit�. L'humanit�, qu'est-ce que c'est�? Bien s�r, c'est l'ensemble des �tres humains? Mais, une fois que l'on a dit �a, on passe � c�t� de la r�alit�, car cet ensemble ne peut pas �tre d�crit simplement en �num�rant ses �l�ments. On peut, un par un, prendre les six milliards d'hommes d'aujourd'hui et dire comment ils sont�; on peut, m�me pour chacun, prendre la liste de tous ses g�nes, les �num�rer, et avoir une description de l'humanit� qui sera finalement six milliards multipli�s par trois milliards deux cents millions pour chacun, bases d'ADN�; et est-ce qu'on saura tout de l'humanit�? Non, pratiquement on ne saura rien?
On ne saura rien parce que, quand on parle d'un ensemble, il faut, pour avoir une id�e de ses performances, de ce qu'il sait faire, non seulement conna�tre de quoi il est compos� mais surtout comprendre quels sont les rapports entre les �l�ments qui le composent. Et, ce qui est tr�s souvent oubli�, c'est le concept qui a �t� mis un peu comme une tarte � la cr�me, le concept de complexit� sur lequel les physiciens insistent beaucoup depuis quelques d�cennies. Ils insistent parce qu'ils se rendent compte que l'addition est le plus souvent une trahison de la r�alit�. Je prends un exemple qui est rab�ch�, l'exemple de la constitution des atomes�; on sait que pour faire un noyau d'h�lium il faut deux protons et deux neutrons et que sait faire un h�lium, c'est � peu pr�s rien, c'est une chimie tr�s pauvre. Pour faire un carbone qu'est-ce qu'il faut�? Il faut trois h�liums, �a fait six protons et six neutrons et �a donne un individu qui est � la base d'une chimie tr�s riche.
Autrement dit, vous prenez trois objets autistes, car, au fond, l'h�lium, c'est un autiste, il n'a aucune conversation, et vous obtenez un bavard, le carbone. Si bien que l'addition est la tromperie la plus