Devoir science
Pour les générations qui ont découvert le monde à travers l’enseignement des instituteurs « à la Jules Ferry », la Science s’écrivait avec une majuscule. Repousser l’obscurantisme, s’affranchir des vieux mythes, éliminer les peurs ancestrales, renoncer aux soumissions lâches, observer enfin l’univers qui nous entoure avec un regard ouvert, lucide, le dominer en le connaissant mieux, agir sur lui, le transformer, l’asservir, prendre en main l’avenir de l’homme, tout cela allait être possible grâce au progrès scientifique.
Au-delà du verbiage ronflant des inaugurations officielles ou des distributions de prix, une foi réelle s’est répandue, transformant en profondeur l’attitude de chacun face à son destin : l’avenir n’était plus craint mais espéré.
Un siècle a passé ; les fruits sont plus nombreux encore que l’on ne prévoyait, mais sont amers. Le monde a été transformé, oui, hélas ! L’homme a pris possession de la planète au point de la rendre méconnaissable. Une anxiété diffuse s’est répandue ; les prévisions sont plus sinistres que jamais, et pourtant ce qui a été fait n’est qu’un timide échantillon de ce que pourrait être fait, de ce que peut-être, l’on s’apprête à faire. Ce que les scientifiques mettent en vitrine est peu de choses comparé à ce qu’ils ont en magasin. L’humanité vit désormais sous une menace permanente, dont on ne voit guère comment elle pourra un jour être écartée, la volonté de quelques hommes suffirait à effacer en quelques instants toute vie sur notre terre. Tous, nous le savons ; mais nous nous efforçons de n’y jamais penser, de peur d’être obligés d’y panser à chaque instant. Devrons nous jusqu’à la fin des temps vivre avec cette obsession ?
Toujours porteuse d’espoir pour certains, la science est devenue simultanément source de crainte pour beaucoup. ..
Albert Jacquard ; AU PERIL DE LA SCIENCE
I- Questions de compréhension : (7points)