Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité
Cette oeuvre va marquer un tournant dans l'histoire de la problématique du "bon sauvage". À la différence de Diderot, qui dans le Supplément au voyage de Bougainville, (>->§) imagine les Tahitiens comme vivant dans une sorte d'état idyllique, antérieur à l'intauration de la société, Rousseau insiste au contraire sur la dimension sociale des collectivités au sein desquelles vivent les sauvages. Celles-ci contiennent déjà une division du travail social, génératrice d'un processus d'inégalité qui ira grandissant, au fur et à mesure qu'elles se "développeront" et "progresseront". Pour Rousseau, elle se formule en ces termes : comment l’état de servitude actuel de l’humanité s’explique-t-il ? L’égalité originelle des hommes est un point dont tous conviennent, y compris les chrétiens. C’est l’origine de l’inégalité qui fait problème. Pour les chrétiens, l’inégalité résulte du péché originel. Rousseau n’incrimine ni Dieu ni la nature humaine, mais la société. Il construit donc, par hypothèse, une histoire de l’humanité avant l’inégalité, c’est-à-dire essentiellement avant la propriété.
L’histoire se découpe schématiquement en trois étapes. Dans l’état de nature, l’homme n’est encore qu’un animal sauvage et solitaire, une brute stupide dépourvue de langage, en deçà du bien et du mal. L’état sauvage (ou second état de nature) est l’âge idyllique, où les hommes chasseurs ou bergers assurent seuls leur propre subsistance. C’est à cette époque radieuse et fugitive que sont consacrés les plus longs développements du second Discours. Enfin l’état social, inégalitaire et oppressif, apparaît avec l’agriculture qui requiert nécessairement propriété privée, police, état, argent, etc. L’aventure humaine est donc tragique :