Dissertation : La représentation
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Suivant la parole de saint Paul : “La croix est un scandale pour les juifs et une folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, juifs et grecs, c’est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu.” (1 Cor, 1.23-24). La croix est le symbole du christianisme et quand saint Paul utilise ce terme il ne fait évidemment pas référence à cet objet de torture, ce moyen d’exécution cruel qui représente l’humiliation imposée par les romains aux opposants de l’Empire : c’est l’erreur des juifs et des païens de se le représenter ainsi. Bien au contraire, l’apôtre parle ici de la croix comme l’image de la rémission des péchés et du don gratuit de la grâce accordés par Dieu lui-même grâce à son Incarnation. Ici donc, deux représentations s’affrontent sur un même objet sensible (la croix) dont l’une est le contraire de l’autre (la première est le symbole de la mort, la seconde, de la vie). La représentation (du latin representatio, formé sur representare, “rendre présent”) est présentation redoublée, c’est-à-dire aussi déléguée, dont il faut savoir si elle ne trahit pas, en quelque façon ce dont elle n’est que l’image. En effet, cette image, en tant qu’elle est investie, dans son altérité même, des pouvoirs qui sont aussi ceux de la chose représentée, ne laisse pas d’inquiéter. Le peuple est dit souverain en démocratie mais l’Assemblée Nationale lui renvoie une image partielle de sa propre complexion qui est aussi une complexité. Elle est une présentification, elle rend quelque chose d’absent présent sous un mode différent de l’objet représenté (comme dans l’allégorie où on représente sous une forme concrète une idée abstraite : la déesse Venus est, par exemple, l’allégorie traditionnelle de l’amour). La représentation est donc essentiellement, semble t-il, un moyen pour atteindre une fin autre qu’elle-même. Mais c’est précisément dans cette action de “replacer devant les yeux de quelqu’un” quelque chose qui est le signe d’autre chose (sens étymologique) que l’on va