Dm mars 2011
Le roman
Un roman de RABELAIS
Quelques jours se passèrent ainsi pendant lesquels les cloches furent remises en leur place. Les citoyens de Paris, reconnaissant à Gargantua de cette bonne action lui offrirent d’entretenir et de nourrir sa jument autant qu’il lui plairait. Gargantua accepta de bonne grâce. La jument fut envoyée dans la forêt de Bièvre où je crois qu’elle n’est plus maintenant.
Cela fait, Gargantua s’abandonna pour ses études, entièrement à Ponocrates ; celui-ci, pour débuter, décida qu’il ferait ainsi qu’il en avait l’habitude, afin de savoir de quelle manière, pendant si longtemps, les vieux précepteurs de son élève l’avaient rendu si fat, si niais, si ignorant !
Il dispensait son temps de telle façon que, ordinairement il s’éveillait entre huit et neuf heures, qu’il fit jour ou non ; ainsi l’avaient ordonné ses professeurs en théologique. Puis se gambadait, piaffait et se roulait sur son lit quelques instants pour mieux amuser ses esprits ; ensuite il s’habillait d’après la saison, mais de préférence il endossait une grande et longue robe de grosse frise fourrée de renards ; il se peignait ensuite du peigne d’Almain, c’est à dire avec les quatre doigts et le pouce, car ses précepteurs disaient que c’était perdre son temps en ce monde que se, laver, se peigner et autrement se nettoyer. Après quoi il fientait, pissait, rendait sa gorge, rotait, pétait, baillait, crachait, toussait, sanglotait, éternuait et se morvait tel un archidiacre. Pour vaincre la rosée et mauvais air, il déjeunait ensuite de belles tripes frites, de succulentes tranches de bœuf grillées sur des charbons, de délicieux jambons, de savoureuses grillades de chevreaux et de force soupes de primeurs.
Ponocrates lui remontait qu’il ne devrait pas, sans avoir fait quelque exercice, prendre nourriture aussitôt le saut du lit. Gargantua répondait :
« Quoi ! n’ai-je point pris un exercice suffisant ? Je me suis vautré six ou sept fois sur le lit avant de me