Dostoievsky; discours
(Достоевский Фёдор Михайлович)
1821 — 1881
DISCOURS SUR POUSCHKINE
(Речь о Пушкине)
1880
Traduction de J.W. Bienstock et John-Antoine Nau dans Journal d’un écrivain, Paris, 1904.
TABLE
[INTRODUCTION DU JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN] 3
DISCOURS SUR POUSCHKINE 11
[INTRODUCTION DU JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN]
UN MOT D’EXPLICATION AU SUJET DU DISCOURS SUR POUSCHKINE PUBLIÉ PLUS LOIN
Mon discours sur Pouschkine, prononcé cette année, le 8 juin, devant la société des Amis de la Littérature russe, a produit une grande impression. Ivan Serguieïvitch Aksakov, qui a dit de lui-même, qu’on le regardait comme le représentant des Slavophiles, a déclaré que ce discours était « un événement ». Ce n’est pas pour me louer moi-même que je rappelle cela, mais bien pour affirmer que si mon discours est un événement, il ne peut l’être qu’à un seul et unique point de vue, que j’indiquerai plus loin.
Mais voici ce que j’ai voulu faire ressortir dans ce discours sur Pouschkine.
1° Que Pouschkine, le premier, esprit profondément perspicace et génial, a su expliquer ce phénomène bien russe de notre société intelligente « déracinée » de la glèbe natale, et se séparant nettement du peuple. Il a campé devant nous, avec un relief intense, notre type d’homme agité, sceptique, sans foi dans le sol de sa patrie, négateur de la Russie et de soi-même, et souffrant de son isolement.
Aleko et Oniéguine ont engendré une foule de types pareils dans notre littérature. Après eux, sont venus les Petchorine, les Tchitchikoff, les Roudine, les Lavretzky, les Bolkonsky (dans la Guerre et la Paix du comte Tolstoï) et plusieurs autres qui ont témoigné de la puissance d’observation de Pouschkine. Gloire donc à son immense esprit, à son génie qui a indiqué la plaie encore saignante de notre société, telle que l’a faite la grande réforme de Pierre le Grand. Nous lui devons le diagnostic de notre maladie et c’est lui, le premier aussi, qui nous a