Eloge de l'ombre
Tanizaki Junichirô (1886-1965), auteur japonais, écrit l’Eloge de l’Ombre en 1933. Dans cet essai, Junichirô évoque les valeurs esthétiques nippones de l’ère pré-Meiji et leurs différences avec celles de l’Occident devant le constat des impacts de celles-ci depuis Meiji (1868-1912) au Japon. Par une série d’exemples simples et précis, l’auteur explique en quoi « le beau n’est pas une substance en soi, mais rien qu’un dessin d’ombres, qu’un jeu de clair-obscur produit par juxtaposition de substances diverses », en quoi les cultures et sociétés occidentales et orientales peuvent s’opposer, en particulier sur la question de l’esthétique de l’ombre.
Révélant sa sensibilité au conflit intergénérationnel qui entraine l’effacement des traditions japonaises dans les années 30 par un attrait pour l’Occident et sa modernité, Junichirô commence son essai ainsi : « Un amateur d’architecture qui, de nos jours, veut se faire construire une demeure de pur style japonais, se prépare bien des déboires […] ». Tout en reconnaissant les bienfaits de l’électricité et de la technique, science pour laquelle les Japonais n’avaient jusque-là pas beaucoup innové, l’auteur articule sa pensée autour de la problématique « Si l’Orient et l’Occident avaient, chacun de son côté et indépendamment, élaboré des civilisations scientifiques distinctes, que seraient les formes de notre société et à quel point seraient-elles différentes de ce qu’elles sont ? ». Le Japon s’occidentalisant, Junichirô regrette la perte de ses traditions. Ainsi, le pinceau fait place au stylo, le papier n’est plus japonais, les appareils phoniques et visuels sont adaptés aux pratiques occidentales. La calligraphie perd de sa beauté, les sons et les images n’ont plus la même dimension : « La forme même d’un outil d’apparence insignifiante pourrait avoir des répercussions presque à l’infini ».
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Après avoir présenté les différents artifices dont il