L’attente du lecteur de roman est le plus souvent de « se plonger » dans une intrigue, de suivre des personnages dont l’histoire va le divertir et l’émouvoir, voire de s’identifier à eux. Ce processus est facilité par les moyens mis en œuvre par le romancier pour donner de la « chair » à des personnages imaginaires. Pourtant l’enjeu du romancier, qui imagine et construit ses personnages, est-il seulement de faire oublier au lecteur qu’ils sont fictifs, d’en faire en quelque sorte des personnes ? Si l’illusion du réel est bien souvent au cœur de la création et de la réception des personnages, le monde romanesque peut aussi offrir au lecteur des personnages dont le caractère fictif est indispensable à la compréhension de l’œuvre.

Le roman est un récit fictionnel ; pourtant les auteurs ont très vite compris l’intérêt de rattacher à la réalité des personnages de papier sortis de leur imagination, pour leur donner plus de force et de crédit auprès de leurs lecteurs. C’est le cas du personnage balzacien qui est ancré dans une réalité locale, temporelle et sociale : au début du Père Goriot, Balzac décrit longuement le quartier et la Maison Vauquer avant de présenter les pensionnaires. Les auteurs réalistes et naturalistes du XIX° siècle poursuivent cette construction des personnages qui vise à créer une familiarité avec les lecteurs ; en effet ces êtres fictifs ont une identité, une profession, une situation familiale et sociale, tout comme les êtres réels. Parfois le romancier va encore plus loin en cherchant à faire croire à la réalité du personnage ; c’est le cas de Marivaux dans le préambule de La vie de Marianne : le narrateur se présente comme l’éditeur d’un authentique manuscrit trouvé par hasard, masque l’identité des personnages par des initiales; le lecteur en vient alors à se demander si Marianne existe ou pas. Le personnage romanesque, bien qu’imaginaire, est donc construit de façon à créer l’illusion du réel. Le personnage de roman subit une