L'Existant est plus que la Vie

Par Michel Cornu www.contrepointphilosophique.ch Rubrique Philosophie
Février 2005

L'existant est plus que la vie, l'existant vaut plus que la vie. Derrière ces mots, se profilent des questions qui me préoccupent grandement. Dans une société qui tend à se réduire à une nasse de marchandises et à un idéal de profit, dans un monde où la raison instrumentale domine tout le spectre de la pensée, où la maîtrise sur la personne est une fin en soi, y a-t-il place pour l'existant? Sur quelle légitimité ce dernier peut-il encore s'appuyer? La mort de l'individu, dissous dans l'individualisme, n'annonce-t-elle pas aussi la fin d'une communauté possible? Derrière l'idéologie vitaliste qui se propage, n'est-ce pas Thanatos qui triomphe?

Commencer ces réflexions en parlant de l'existant et non simplement de l'existence ou même de l'homme, annonce bien l'intention d'un ancrage existentiel de mes propos. Je commencerai donc par indiquer en quoi consiste ou non la réalité existentielle de l'homme. Je m'arrêterai ensuite sur quelques-unes des graves menaces qui pèsent sur la survie de l'existant.
Ces exemples conduiront au constat de l'échec de la modernité dans certaines de ses aspirations. En rester à ce constat serait en rester à une position pessimiste qui est plus question d'humeur qu'effort philosophique. Aussi, essaierai-je, pour conclure, d'indiquer quelques pistes où trouver peut-être de quoi tenter de sauver ce qu'il reste aujourd'hui de l'existant.

Kierkegaard, en réaction à la volonté de système, de savoir absolu, de compréhension de la totalité du réel par la logique, de la croyance à pouvoir tout ramener à la raison, en réaction donc au rationalisme, affirme qu'avant de penser j'existe et qu'exister, c'est être confronté à des expériences, – au sens d'Erlebnis – ce qu'il appelle des catégories existentielles, comme l'angoisse, le désespoir, la foi, qui ne se laissent pas réduire à la raison. Contrairement à