Extrait du "discours sur le colonialisme" d'aimé césaire
652 mots
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« Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au VietNam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de 1’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. [...]
J’ai relevé dans l’histoire des expéditions coloniales quelques traits que j’ai cités ailleurs tout à loisir.
Cela n’a pas eu l’heur de plaire à tout le monde. Il paraît que c’est tirer de vieux squelettes du placard. Voire !
Etait-il inutile de citer le colonel de Montagnac, un des conquérants de l’Algérie :
" Pour chasser les idées qui m’assiègent quelquefois, je fais couper des têtes, non pas des têtes d’artichauts, mais bien des têtes d’hommes. "
Convenait-il de refuser la parole au comte d’Herisson :
"Il est vrai que nous rapportons un plein barils d’oreilles récoltées, paire à paire, sur les prisonniers, amis ou ennemis. "
Fallait-il refuser à Saint-Arnaud le droit de faire sa profession de foi barbare :
"On ravage, on brûle, on pille, on détruit les maisons et les arbres."
Fallait-il empêcher le maréchal Bugeaud de systématiser tout cela dans une théorie audacieuse et de se revendiquer des grands ancêtres :