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Dès son retour, Semprun tente donc d’écrire ce qu’il a vécu. Un accouchement douloureux. Cet exercice le brise, le ruine, le torture : « j’étouffais dans l’air irrespirable de mes brouillons, chaque ligne écrite m’enfonçait la tête sous l’eau comme si j’étais à nouveau dans la baignoire de la villa de la Gestapo à Auxerre. Je me débattais pour survivre. J’échouais dans ma tentative de dire la mort pour la réduire au silence ; si j’avais poursuivi, c’est la mort qui m’aurait rendu muet». L’écriture l’éloigne de la vie en lui renvoyant constamment la mémoire de la mort. L’écriture, ce fardeau qui l’empêche de vivre. "Tel un cancer lumineux, le récit que je m’arrachais de la mémoire, bribe par bribe, phrase après phrase, dévorait ma vie". L’écriture lui ronge l’âme. Semprun doit faire un choix : écrire ou vivre ? Car écrire, c’est refuser de vivre, c’est retourner vers la mort, vers sa mort, c’est remettre l’enfer au cœur de sa vie. A la différence de certains écrivains comme Primo Levi qui se sont dégagés de l’horreur de la mémoire par l’écriture, Semprun, lui, ne pouvait