Histoire et memoire ?
Ce texte reproduit une intervention prononcée lors du colloque "Quelle histoire pour quelle mémoire?" qui s'est tenu à Chateauroux le 31 mars 2001.
Puisqu’il m’appartient d’ouvrir cette journée consacrée aux rapports entre l’histoire et la mémoire, je dois d’abord m’expliquer sur le titre donné à mon intervention. Un discours largement répandu nous fait le devoir, à nous professeurs, de "fabriquer de la citoyenneté". Sans doute parce que le citoyen est devenu plus que jamais un être problématique. L’une des composantes majeures de cette nouvelle citoyenneté est incontestablement le "devoir de mémoire", devenu un véritable impératif catégorique. De ce devoir de mémoire, on attend la naissance ou la renaissance d’une "culture commune", de valeurs communes qui puissent contribuer à forger chez nos élèves, chez les citoyens de demain la conscience d’appartenir à une communauté politique, avec ce que cela implique de droits et de devoirs. Ce devoir de mémoire, qui concerne d’abord essentiellement le crime contre l’humanité et l’extermination des Juifs d’Europe, tend à s’étendre à tous les évènements tragiques de notre histoire et fonctionne sur le mode du "plus jamais ça", mettant en œuvre toutes les figures de la morale et du combat du bien contre le mal. Dans cette entreprise, l’histoire, à la fois comme science sociale et comme discipline scolaire, est évidemment mobilisée au premier rang, puisqu’il semble aller de soi que l’histoire a, par nature, sa tâche de maintenir vivante la mémoire.
Pourtant, cette identification de la mémoire collective et de l’histoire est une source d’interrogations philosophiques et épistémologiques majeures. Lors de la session de juin 2000 du baccalauréat, le sujet de philosophie proposé aux candidats était : " La mémoire suffit-elle à l’historien ? " C’était un sujet d’actualité dont la majorité des candidats n’a saisi ni le sens ni la portée. Déformation professionnelle, c’est un peu cette question que je