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Le hijâb des sultans.
Yves Pourcher
Professeur de science politique à l’IEP de Toulouse
(article paru dans Horizons maghrébins, n°60/2009, p. 144-149.)

Après Soldats, domestiques et concubines (Balland 1994), Mohammed Ennaji revient avec un nouveau texte foisonnant, riche à l’extrême, dont le titre, Le sujet et le mamelouk1, résume à lui seul le projet et la thèse. Le livre s’ouvre sur une histoire. En 1868, au Maroc, près de Tiznit, zone limite du pouvoir royal, un cavalier entre bride abattue dans la maison du caïd Abdallah. Un silence absolu suit. L’appel à la prière est omis. Al-Hâj ‘Abdallah disparaît dans la nuit.
Maltraité, emprisonné, tué ? Les récits diffèrent. Certains décrivent la coupe mortelle, d’autres imaginent des fins encore plus affreuses. Mais une voix rapporte l’humiliation. Abdallah aurait été rejeté dans la corporation des ablutions, réduit au rang d’esclave.
Quelle que soit la version de l’histoire, la fin du caïd est exemplaire. À tous, petits et grands, elle rappelle que le roi n’accepte que la servitude.
Étudier la nature et les fondements du lien d’autorité dans le monde arabe : tel est le projet de Mohammed Ennaji. « Ce travail, écrit-il, est né de l’urgence de comprendre une autorité parfois fascinante par le mystère qui l’entoure, mais non moins terrifiante par les abus auxquels elle peut donner lieu, et, en tout cas, remontant, dans son essence à une rationalité d’un autre âge. »
Depuis ses origines, l’État musulman serait marqué par l’esclavage, et son pouvoir se

serait

Méthodiquement,

définitivement systématiquement, fermé

dans

Mohammed

des

cadres

Ennaji

archaïques.

construit

sa

démonstration. Au cœur de l’espace d’autorité et de croyance, il ne voit que servitude. Épais et solides, trois liens composent un cercle terrible : maîtres et esclaves ; rois et sujets ; Dieu et fidèles. Des chaînes ! pourrait-on dire. Elles pèsent, verrouillent, tiennent. Rien n’y échappe. Mamlouks, esclaves de tous
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M. Ennaji, Le sujet