Jeff wall- dead troops talk
Aux lisières de l'histoire et de la représentation symbolique d'une part de l'humanité, l’œuvre est impressionnante. Le décor est désastreux, un terrain accidenté où la pierre se confond avec la terre, où la terre se confond avec la chair. Comme sur l'orifice d'un volcan, une explosion aurait pu avoir lieu, ou peut-être la scène se déroule dans une tranchée creusée en vue de la protection d'une infanterie. Mais l'embuscade a eu lieu, et les corps s'entremêlent au sol ; le désordre invite le désespoir, l'image est inquiétante, la rigidité cadavérique terrifiante. Mon regard se penche intentionnellement, encore, sur la légende, et ma considération demeure attentive aux effets de simulacres ; Le Babil des troupes mortes est une introduction subversive, déjà troublante. Quant à la composition, les situations respectives des hommes s'insèrent dans une relation visuelle pyramidale qui conduit ma pensée, de manière étrange, vers une autre image, plus précisément celle de la représentation picturale d'une toute autre légitimité historique, Le Radeau de la Méduse (1819) : un tableau signé Théodore Géricault (1791 ; 1824) qui fut d'ailleurs soumis à de violentes polémiques. L'image est élaborée dans une figure triangulaire et ascendante, dont les lignes dynamiques font émerger les tensions, qui est à l'origine de sa parenté historique picturale, même si quelques éléments situés dans le haut de l'image incitent au déséquilibre. N'oublions pas les intentions fédératrices de l’œuvre de Géricault, détaché de l'emprise académique réitérée par David (1748 ; 1825), sont en faveur d'une esthétique au présage romantique dans la peinture ; le tableau, inspiré d'un fait réel, évoque une forte densité émotionnelle de désespoir et de résignation. L'illustration endosse des interrogations, et la composition dramatique de l'image est mise en confusion :