journal_dun_prince
AVANT-PROPOS
Tout livre est un contrat de confiance, et le livre d’un prince marocain encore plus qu’un autre. En effet, jamais dans la longue histoire dynastique du royaume, un membre de la famille régnante n’a pris la plume pour partager ses idées avec l’« extérieur », au-delà des murs du Palais et, encore moins, pardelà les frontières du pays. À cela, il y a de bonnes raisons, qui ne relèvent pas seulement d’un royal dédain pour le monde en dehors du méchouar, le « Conseil », c’est-à-dire l’enceinte du pouvoir monarchique. Écrire un livre, c’est se livrer. La décision a mûri en moi pendant des années. Maintenant que je m’y suis résolu, je ne vais pas m’arrêter à mi-chemin. Dans les pages qui suivent, je ne mâche pas mes mots. Rien de ce que je pense n’est dissimulé derrière des arabesques.
Pour autant, on cherchera en vain de « petites phrases », du fiel distillé, des attaques ad hominem ou des secrets inavouables.
J’ai trop subi de pareilles bassesses pour m’y livrer à mon tour.
En revanche, un système opaque est décrit de l’intérieur avec le franc-parler qu’abhorre la société de cour au Maroc pour qui la
souplesse invertébrée et le verbe tarabiscoté tiennent lieu de raffinement et de subtilité. Pour ma part, je préfère être direct : je ne suis pas davantage le « prince rouge » que Mohammed VI n’est le « roi des pauvres » – en ce qui le concerne, quinze ans de règne devraient suffire pour en convaincre même le plus jobard parmi nous. Quant au « prince rouge », il n’existe que dans les miroirs déformants des médias. Je n’ai jamais été communiste ou socialiste. Je ne suis même pas antimonarchiste par principe, un « mauvais prince » en quelque sorte.
Cependant, je serais prêt à tirer un trait sur la monarchie chérifienne si j’arrivais à la conclusion qu’elle