La fonction du poète
Le lombric est un ver de terre. C’est un animal fouisseur qui contribue au mélange permanent des couches du sol en creusant des galeries dans le sol dont il se nourrit. Il joue un rôle écologique majeur en termes d'aération et de micro-drainage du sol, contribuant à sa fertilité. Dans « Le Lombric », poème extrait des Animaux de tout le monde, Jacques Roubaud compare le poète à un lombric qui apporte de l’air au monde, c’est-à-dire les hommes en général et affirme que, sans lui, celui-ci étoufferait sous des paroles mortes, c’est-à-dire des paroles plates, vides de sens. Mais une telle affirmation mérite d’être approfondie : dans un premier temps, le poète aère le monde, puis, par la poésie engagée, il l’éclaire en labourant le langage. Enfin, il peut exprimer des choses que le commun des mortels ne peut exprimer que par des paroles mortes.
En retournant la terre, le vers la laboure, il lui permet d’avoir un bon avenir, comme le poète permet aux hommes d’avoir confiance en l’avenir.
Ainsi, les gens ont besoin de s’aérer, de faire des pauses, pour être plus efficaces au travail. Il leur est nécessaire de rêver. C’est pourquoi Gauthier, ancien romantique repenti, veut que le poète n’ait pour but que la beauté. Sous son impulsion se développent les théories de l’Art pour l’Art, qui sont une réaction contre les faiblesses du romantisme, dont il va inverser les valeurs : on privilégie la forme plutôt que le message, la technique plutôt que l’historique. De nombreux poètes vont se laisser gagner par cette tentation incarnée par la revue du Parnasse contemporain, dont le credo est l'exigence d'impersonnalité contre les excès d'effusion du moi, la passion de la beauté et de la pureté contre l'artificiel et l'anecdotique, le culte du travail et de la technique contre les licences ou les libertés des