Chapitre 6 Grande Guerre, Sentiment National et culture de guerre.

A partir du début de la bataille des frontières au mois d'août 1914, le cadre d'analyse du sentiment national en France change progressivement du tout au tout. Avec les premiers combats, la guerre imaginée fait place à la guerre réelle, les Français avaient accepté l'entrée en guerre. Il leur faut à présent admettre la conséquence essentielle de la guerre: la mort au combat de milliers, puis très vite, de centaines de milliers de jeunes hommes. Au total, la moyenne sur quatre ans et demi s'établit autour du chiffre hallucinant de 890 tués par jour... Très vite, un très grand nombre de familles françaises se sont trouvées en deuil; puis au fur et à mesure de la prolongation du conflit, la majorité d'entre elles. Comment les Français après avoir accepté d'entrer dans la guerre, ont-ils accepté les sacrifices qui leur furent imposés, comment ont-ils accepté ce que Jean-Baptiste Duroselle a appelé l'incompréhensible? Question elle-même dédoublé puisqu'elle ne se pose pas dans les mêmes termes pour ceux qui se battirent à l'avant et à l'arrière. Quel rôle le sentiment national a-t-il joué dans la capacité des Français du début de ce siècle à affronter une telle épreuve? Dans quelle mesure la « culture de guerre » de 1014-1918, pour employer ici un concept qui cherche à rendre compte de l'ensemble des modes de représentation du conflit parmi les contemporains, et qui à son tour détermine leurs attitudes, leurs comportements et leurs pratiques entre 1914 et 1918, s'est-elle structurée autour de l'idée de nation?

Culture de guerre et propagande: de la défense de la nation à la défense de la civilisation.
Une grande partie des difficultés à appréhender les mécanismes d'acceptation de la guerre et surtout d'acceptation de sa prolongation pendant quatre ans et demi est liée à la complexité des phénomènes d'encadrement et de mobilisation au sens moral et psychologique de l'opinion publique au cours du