La guerre de l'eau
Le ton est donné et le compromis n'est pas dans la partition. Il ne l'a d'ailleurs jamais été. En 1989, un Mig syrien abattait un avion de surveillance turc près du chantier de construction du barrage Atatürk, faisant cinq victimes qui cimenteront un peu plus la nation autour de son rêve de barrage. Les eaux du Tigre et de l'Euphrate, derniers témoins de ce que fut l'Empire ottoman, la Syrie, l'Irak et la Turquie appartenant alors à cette même entité territoriale, sont au centre du conflit. Trois pays qui s'opposent et se déchirent à propos d'un projet colossal, véritable mythe du développement national turc : construire 22 barrages capables de stocker 110 milliards de m3 (101 sur l'Euphrate, 9 sur le Tigre) et 19 centrales, et arrêter le flux d'émigration en fixant la population à l'aide d'activités économiquement efficaces d'ici à l'achèvement du projet prévu pour 2013 (2).
Sur l'Euphrate, le barrage de Keban ? le plus en amont ? dont la retenue est de 30 milliards de m3 est terminé depuis 1974. Le projet global, en aval de Keban, est beaucoup plus ambitieux. Cette gigantesque opération hydraulique se décompose en 13 sous-projets : 7 sur l'Euphrate et ses affluents, 6 dans le bassin du Tigre.
L'eau ainsi mobilisée doit allier production d'énergie et irrigation. Sur une superficie cultivée de 3 millions d'hectares, 1,7 sera irrigué et consommera 22 milliards de m3 d'eau par an. A partir de la retenue Atatürk, le tunnel hydraulique le plus long du