La mondialisation
La mondialisation renforce donc les inégalités. Sur un plan spatial, puisque l’accentuation de la rugosité de l’espace s’observe à toutes les échelles : planétaire, régionale, nationale, locale. Mais aussi sur le plan social : l’écart entre ceux qui peuvent saisir les opportunités offertes par la mondialisation et ceux qui ne trouvent pas leur place, entre riches et pauvres, se creuse à toutes les échelles. Un cinquième de l’humanité seulement consomme (et produit) les quatre cinquièmes des richesses mondiales. Sans régulateur, la mondialisation engendre la marginalisation des plus faibles et la prolifération des activités illicites, voire criminelles. Sans contre-pouvoir, le capitalisme finit par aboutir à des situations de concentration et de monopole qui ruinent la concurrence et remettent en question les mécanismes du marché. Face à ces logiques comme à l’émergence de multiples passagers clandestins, il faut des régulateurs.
Loin d’abolir le rôle des Etats, la mondialisation leur redonne au contraire tout leur sens : seule la puissance publique peut réguler la mondialisation en fixant des normes, en redistribuant les richesses, en aménageant le territoire. Tentations du protectionnisme, fermeture des frontières, mise en œuvre de législations contraignantes, la mondialisation s’accompagne paradoxalement du grand retour des Etats. Le libre-échange est contesté dès lors qu’il compromet certaines questions jugées essentielles, comme l’emploi, la sécurité, la santé ou l’accès à l’énergie. Les zones d’influence se reconstituent par le biais des accords bilatéraux. Entre le dirigisme des pays émergents, le « socialisme de marché » de la Chine et du Viêtnam, les dictatures d’Asie centrale, et le grand retour du nationalisme en Amérique centrale, le libéralisme est loin de régner sur la planète, y compris et surtout dans sa patrie d’adoption, les Etats-Unis, qui le remettent en question depuis que le centre de gravité du monde s’est déplacé