La nuit de mai, vision du rôle du poète
Afin d’exprimer cette vision du rôle du poète, Musset utilise tout d’abord une métaphore filée qui se déroule sur différents niveaux. Le premier niveau est le pélican lui-même, dépeint de façon réaliste, retournant fatigué comme l’indiquent les adjectifs « lassé » et « long » de son voyage. Le verbe « retourne » exprime une idée d’habitude, renforcée plus loin par l’adverbe « parfois », traduisant ainsi la normalité de la scène, bien qu’au vu de la suite du poème où le pélican meurt, cela paraît paradoxal. Ses petits qui l’attendaient l’accueillent comme une délivrance comme le montrent « courent sur le rivage » et « cris de joie », ce retour signifie en effet le soulagement de leur faim. Ce tableau touchant reste ordinaire pour les pélicans, représentés ici par un seul, mais là n’est cependant que la surface de la métaphore filée.
Ainsi, le pélican est ensuite comparé au pélican grec. Les Anciens songeaient que cet oiseau perçait sa propre chair pour nourrir ses enfants. Le vers « Pour toute nourriture il apporte son cœur » est une métaphore traduisant le don ultime du pélican et faisant référence à cette croyance. Celle-ci est rappelée peu après par « Partageant à ses fils ses entrailles de père » qui introduit de plus l’idée d’un pélican eucharistique ; en effet dans l’iconographie chrétienne le pélican symbolise le sacrifice de Christ. La comparaison est appuyée par l’adjectif « divin » qui vient qualifier le nom « sacrifice », puis par « sanglante mamelle » qui fait une référence biblique à la Cène où le Christ donne son corps et son sang, symbole de vie et de mort. Le pélican est dans ce poème un symbole antique et christique, mais nous allons voir que la métaphore filée ne s’arrête pas là.
En effet, le pélican est dernièrement assimilé au poète. « Le voyageur attardé sur la plage » est en fait Musset qui se met discrètement en scène, et qui se compare à l’oiseau qui, dans le