La parole dans lorenzaccio
Emmène-moi, mon fils, je vois que vous allez agir. Je ne vous ferai pas de longs discours, je ne dirai que quelques mots; il peut y avoir quelque chose de bon dans cette tête grise - deux mots et ce sera fait. Je ne radote pas encore (....) (111, 2, p. 336)
Dans le deuxième entretien, la situation est renversée. Maintenant, c'est Pierre qui à la fois attaque et persuade Philippe et qui finit par traiter son père d'«lnexorable faiseur de sentences», l'accusant de perdre «la cause des
11: Voici quelques échantillons: «Ainsi donc les avalanches se font quelquefois au moyen d'un caillou gros comme le bout du doigt» (p. 336;; «Un bon coup de ianceue guérit tous les maux» (ihid.); «Vous qui savez aimer, vous devriez savoir haïr» {ibid), etc
Side 40 bannis, pour le plaisir de faire une phrase » (IV, 6, p. 350). Ici, l'aspect négatif du langage est donc nettement thématisé. Mais Philippe peut à son tour reprocher à son fils d'aller jusqu'à oublier tout honneur et de se faire traître pour son seul désir de vengeance. On le voit: encore une fois, il n'est pas question d'un conflit simple et net, mais d'un conflit où chacun des termes est à la fois positif et négatif, donc d'un conflit surdéterminé. Au langage, arsenal d'expérience et de sagesse, s'oppose l'activisme sans principes et sans honneur.Mais le langage peut devenir radotage, c'est-à-dire signe d'impuissance, tandis que la force agissante d'un Pierre est indispensable pour passer de l'idée à laréalité. Or, ce que Musset nous montre par le personnage de Philippe, c'est en fin de compte un homme chez qui le langage est en train de se détacher de la réalité, un homme dont le discours, parfois, perd ses attaches avec l'univers