La philosophie prépare-t-elle bien à la mort?
«La philosophie prépare-t-elle bien à la mort?»
Anticiper l'avenir, on se laisse dire que c'est le privilège de l'homme. Est-ce ou non restrictif, toujours est-il que de la créature que nous connaissons le mieux, c'est-à-dire nous-mêmes, nous avons au moins le moyen de le constater: notre appréhension du temps nous octroie la conscience que l'ultérieur existe, et la faculté de lui prêter les contours que notre esprit déductif devine, ou que notre imagination dessine, selon qu'on sait un peu, beaucoup, tout ou rien de leur dépendance à l'instant présent. Or il est un événement futur si prégnant dans le présent que les contours en sont flous, si inconnu de l'expérience humaine que le contenu en est parfaitement obscur. Si la mort ne se laisse pas facilement figurer sans la procession de ses adjoints, n'est-ce pas pour demeurer inaccessible et cachée? La philosophie peut-elle seulement nous préparer à cette procession? Est-ce là se préparer à la mort elle-même? S'y préparer n'exige-t-il pas d'en lever un coin du voile? Cela se peut-il d'aussi loin que la philosophie considère la mort? Dans la sphère où elle s'exerce, la philosophie peut-elle porter un regard assez large sur la mort pour apporter à l'homme des éléments complémentaires pour l'appréhender? Ses raisonnements, ses systèmes préparent-ils à la mort? Quels sont précisément les moyens de la philosophie face à l'idée de la mort? La philosophie prépare-t-elle bien à cette inconnue par excellence, radicalement ennemie de la vie depuis laquelle on l'attend, la craint, l'envisage, la calcule, la fantasme? Ou lui manque-t-il de quoi s'arroger le droit le prétendre pouvoir bien y préparer?
Tout dépend de ce qu'on redoute, ou de ce qu'on attend, de la mort.
la première crainte qu'on peut en avoir, c'est la souffrance qu'on y associe. En pouvant anticiper, imaginer sa mort, l'homme y associe volontiers le contexte dans lequel elle advient. La mort ne survient pas comme la