La société contre l'état
Texte : P. Clastres, chapitre 11 « La société contre l'État », in La société contre l'État, Paris, Les éd. De Minuit, 1974, pp. 161-185.
Pierre CLASTRES est né en 1934. Après des études en philosophie, il s'oriente vers l'ethnologie. Il s'est spécialisé en anthropologie politique des sociétés amérindiennes sans États. Il effectuera plusieurs missions en Amérique du Sud où il passera plusieurs années parmi les différentes tribus indiennes. Il refuse le matérialisme de la théorie marxiste même s'il faisait partie du mouvement socialiste de mai 68. De manière générale, l'auteur s'intéresse, dans son œuvre, à la question de savoir comment l'État est né. Plus précisément, Pierre Clastres tente de comprendre comment fonctionnent les sociétés sans État, et quelle forme prend alors le pouvoir politique dans ces sociétés. Dans son ouvrage, l'auteur défend deux thèses : dans les sociétés primitives, la communauté, détentrice du pouvoir politique, refuse toute différenciation aliénante du pouvoir politique, toute idée de supériorité d'un individu face au groupe et les sociétés primitives ne sont pas « en retard » face aux sociétés étatisées. En ce qui concerne la première thèse, il la défend en s'appuyant sur le cas des chefferies indiennes. En effet, la chefferie est bien une fonction que l'on pourrait qualifier de « prestigieuse » mais elle se fait exclusivement au service de la tribu. Cette dernière veille attentivement à ce que le « chef » ne s'accapare pas le pouvoir politique. Les fonctions du chef sont très limitées, c'est plus un arbitre qui apaise les querelles qu'un véritable chef. Il est choisi en fonction de ses compétences techniques (comme être un bon chasseur ou un excellent guerrier). Le chef joue tout son rôle en cas de guerre : c'est alors lui qui guidera les guerriers. C'est là sa seule source de prestige même s'il ne peut décider à lui tout seul d'entrer en guerre. Dans le cas où il déciderait seul d'entrer en guerre,