Le 13 eme guerier
Dans Le 13eme guerrier de John McTiernan, Ibn Fadhlan (Antonio Banderas) est notre témoin et narrateur. La bataille finale traduit le changement de statut de Buliwyf (Vladimir Kulich), leader viking en figure mythologique (Beowulf légende scandinave). McT passe ainsi du film épique à la chanson de geste. Son héros se tient immobile sous la pluie tel un Napoléon prêt à diriger ses troupes. Avant l'action, repère stratégique. Déferlante des Wendols (travelling avant - zoom arrière), suivie d'un plan d'ensemble couplé à un travelling avant opposé à la charge, qui cloisonne et délimite l'espace tout y en intégrant les enjeux. Buliwyf porte le premier coup. Le ralenti de la scène entière est le flux de l'effort du corps empoisonné, donc déjà condamné. Soulèvement de l'épée qui atteint l'ennemi, la précision du montage est chirurgicale (malgré les problèmes subis en post production) et accompagne le mouvement (deux cuts resserrant l'action) dans un véritable travail de mise en scène physique. Face à face ultime entre les deux chefs. Buliwyf frappe le mangeur de morts de toutes ses forces (ce dernier tombant à terre), pendant que ses compagnons se débattent en arrière plan dans une succession de cavaliers arrachés à leurs montures et propulsés dans la boue et le sang. Le coup fatal est porté dans un dernier effort, tous se tournent vers le cri poussé et les Wendols partent un à un. Par deux fois, le son guide le regard d'Ibn Fadhlan. Le premier, on vient de le voir, c'est le terrassement. Le second, c'est l'aboutissement du mythe. Buliwyf s'improvise un trône sur les quelques fortifications bricolées, plante son épée. Le chien hurle à la mort. Les vikings se rassemblent autour de lui, Ibn Fadhlan baisse les yeux, dernier hommage à un "Roi" dont le regard s'est éteint sur un royaume libéré. McT a batti la légende de son héros à la hauteur de l'œuvre qu'il illustre. Prodigieux. (le 13.03.2003, Cédric Gentaz)