Le Bonheur
Le bonheur est souvent conçu comme étant une fin ultime de la vie humaine. Une philosophie qui le présente comme tel est appelée eudémonisme. Comme « fin en soi », le bonheur se distingue des fins partielles, c’est-à-dire des fins qui à leur tour deviennent des moyens en vue de fins plus élevées (par exemple la richesse). Le bonheur est la fin la plus haute, une fin que l’on recherche pour elle-même, une fin en soi. Cependant, une fois cela reconnu, nous n’avons encore rien dit de la nature du bonheur. Si l’on se fie au sens commun, on pourra penser que le bonheur consiste dans l’assouvissement intégral des besoins et désirs. Le bonheur est ce qui nous comble. Si nous acceptons une telle définition, n’allons-nous pas être condamné à ne jamais être heureux ? Est-ce bien d’ailleurs la même définition ? Car ce qui nous « comble » n’a pas forcément besoin de répondre à l’intégralité de nos désirs. D’ailleurs, la satisfaction complète des désirs semble impossible : l’assouvissement d’un désir est très souvent l’origine d’un nouveau désir de telle manière que la quête du bonheur serait sans fin, et tout choix implique qu’un privilège soit donné à certaines aspirations, au détriment d’autres. De plus, le bonheur est communément conçu comme un état stable et permanent, comme une « paix intérieure », ce qui ne coincide pas avec l’idée de la satisfaction des désirs car ceux-ci sont justement ce qui ne cesse de venir perturber tout « repos » dans un état déterminé.
En ce sens, le bonheur serait plutôt la conséquence d’une maîtrise des inclinations, voire d’une faculté (souvent dite morale) de supprimer ou de réduire au silence les désirs qui viendraient troubler cette « paix ». Mais la possibilité d’exercer un empire sur tous nos désirs ne semble pas moins hors de portée que celle de tous les satisfaire. La problématique du bonheur se situe au croisement de deux problématiques, difficilement conciliables, celles du plaisir et celle de la moralité.