Le dormeur du val
C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent; où le soleil de la montagne fière,
Luit; C'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pale dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme:
Nature, berce-le chaudement: il a froid.
Les parfums ne font plus frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au coté droit.
Arthur Rimbaud, 1870
Ce poème est sans aucune hésitation mon poème préféré, par la simplicité et la délicatesse que Rimbaud met dans ces mots, par l’harmonie du poème tout entier. A la lecture ce dégage un vrai moment de littérature, on comprend dans chacun des vers le sens cacher, mais malgré tout le suspense reste jusqu’à la dernière phrase. C’est de loin, à mon goût, le poème le plus touchant des poèmes engagés que j’ai pu