Le gaz de schiste divise le monde
Désormais accessibles grâce à la fracturation hydraulique et au forage horizontal, les gaz de schiste réécrivent la carte du monde de l’énergie.
Sous l’empire russe du gaz de Sibérie, l’équilibre géopolitique de l’énergie se jouait jusqu’au début des années 2000 sur la crête des gazoducs qui abreuvaient l’Europe. Sur le vieux continent, la moitié des Etats restait dépendant à plus de 60% des livraisons de gaz voire, comme pour les pays Baltes, à presque 100%. En février 2009, deux entreprises publiques russes ont même obtenu 25 milliards de dollars de prêt de la Chine pour construire une immense artère afin d’amener pétrole et gaz de Sibérie vers les côtes orientales. Sous le signe de ce projet pharaonique (nommé Espo), Chine et Russie se sont mêmes réunis autour du fleuve Amour (fin du premier tronçon), hier objet de tensions diplomatiques. Les années 2000 ont cependant vu de nouveaux acteurs s’imposer sur de nouvelles routes. Liquéfié à basse température et stocké dans des méthaniers spécialisés, le gaz venait de plus en plus du Golfe de Guinée, du Qatar ou d’Océanie. En plus des terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) des Emirats, l’Australie et l’Indonésie ont commencé à mettre en chantier les leurs, bientôt suivis par les îles caribéennes de Trinidad et Tobago. Les milliards de barils équivalent pétrole abondaient d’abord le marché japonais mais l’Europe se dotait progressivement d’infrastructures permettant, à son tour, de se brancher sur les canaux du Nigéria ou du Golfe. En 2012 ouvrait le plus grand terminal à GNL d’Europe à South Hook : un milliard de livres Sterling d’investissement pour un projet mené sous la houlette de l’émir du Qatar... Mais entre temps, un autre acteur était arrivé sur cette scène déjà chargée : les Etats-Unis redevenaient exportateurs nets de gaz. Au milieu des années 2000, Washington fut le premier Etat à se doter d’une législation autorisant l’emploi des fameuses techniques