Le grand combat : henri michaux
LE GRAND COMBAT Il l'emparouille et l'endosque contre terre ;
Il le rague et le roupète jusqu'à son drâle ;
Il le pratèle et le libuque et lui baruffle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l'écorcobalisse.
L'autre hésite, s'espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C'en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s'emmargine... mais en vain.
Le cerceau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille,
Dans la marmite de son ventre est un grand secret
Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs ;
On s'étonne, on s'étonne, on s'étonne
Et on vous regarde
On cherche aussi, nous autres, le Grand Secret.
Henri MICHAUX ; Qui je fus, Gallimard, 1927
1) Biographie :
Michaux a lui-même rédigé une brève autobiographie. Dans un style très dépouillé, où se multiplient les phrases nominales, Michaux parle de lui-même à la troisième personne. Il ne développe pas, il précise et choisit. Le vécu procède par alinéas et offre l’image d’une existence subie, endurée plutôt que construite :
Quelques renseignements sur cinquante-neuf années d’existence :
24 mai 1899, Namur.
Naissance dans une famille bourgeoise.
Père ardennais.
Mère wallonne.
Un des grands-parents, qu’il n’a pas connu, d’origine allemande.
Un frère, son ainé de trois ans.
Lointaine ascendance espagnole.
1900 à 1906, Bruxelles.
Indifférence.
Inappétence.
Résistance.
Inintéressé.
Il boude la vie, les jeux, les divertissements et la variation.
Le manger lui répugne.
Les odeurs, les contacts.
Sa moelle ne fait pas de sang.
Son sang n’est pas fou d’oxygène.
Anémie.
Rêves, sans images sans mots, immobile.
Il rêve à la permanence, à une perpétuité sans changement.
Sa façon d’exister en marge, sa nature de gréviste fait peur ou exaspère.
On l’envoie à la campane.
1906 à