De nouveau Marc Lupin sortit son mouchoir en tissu de sa poche et essuya ses lèvres humides. Ce geste, si répété lors de ses crises, était à chaque fois précédé d'une gorgée de rhum et d'un léger frémissement. L'alcool, non dilué, incorporait son esprit et faisait danser sa lucidité ; pour lui tout raisonnement devenait d'une facilité déconcertante. Il commençait une fois encore une de ses crises, ce moment enivrant où tout ce qui l'importe est de trouver une victime qui assouvira son envie de chair. Et ce soir son désir, plus terrible, plus incontrôlé que les précédents qui avaient rythmé sa vie, lui faisait violence. Il le tenait au ventre par une crampe douloureuse qui ne cesserait de le tourmenter que lorsqu'il aura assouvit sa faim. Il lui fallait calmer son envie. Avec un sourire mesquin qui tirait le coin de sa lèvre, il vida son verre. Ce soir, il avait très faim. Une véritable faim de loup.

Carmen, petite adolescente rêveuse à tendance naïve, aux fins cheveux blonds qui tombaient en cascade sur ses fines épaules, à l'allure élancée qui reflète sa jeunesse ambitieuse ; Carmen, cette beauté à la voix cristalline connue comme le loup blanc dans son petit village de campagne profonde, sortit à la tombée de la nuit, un sac à la main. Tous la voyaient devenir chanteuse, elle qui attendrissait tant par son talent. Elle souhaitait quitter cet endroit dès la fin de ses courtes études, partir loin, conquérir la capitale grâce à sa voix envoûtante. Dans l'endroit dans lequel elle vivait, petit hameau reculé, la ville la plus proche était à des kilomètres, laissant sa grand-mère malade sans soins pour la guérir. Carmen, adorable fille, fragile et douce, altruiste depuis sa tendre enfance, aimait rendre visite à son aïeul, seule depuis la mort de son mari. Elle lui apportait régulièrement des médicaments, ainsi que des pâtisseries légères (rien de trop sucré, cela pourrait atteindre son diabète). Comme tous les samedis soirs, elle emprunta le sentier qui