Le soulier de satin, scène première, première journée. commentaire composé de la tirade de l'annoncier
En 1929, il créa le soulier de satin, pièce de plus de dix heures dont l’action s’étend sur une vingtaine d’années, jouée pour la première fois en intégralité cinquante ans après sa création. Il s’agit de l’histoire d’un amour contrarié, avec une forte tonalité mystique. Claudel s’éloigne de la tragédie classique par l’absence d’unités de lieu, de temps et d’action ; il a pour cela découpé sa pièce en journées plutôt qu’en actes et il a créé « le verset claudélien » alors que la tragédie classique utilise le vers.
Dans cet extrait, un personnage spécifique, l’Annoncier, lors d’un long monologue, présente la première scène de ce drame espagnol. Ainsi nous montrerons comment Claudel implique le spectateur dans sa pièce, le laissant tantôt passif ou au contraire le faisant participer activement.
Le spectateur n’a aucun choix car l’Annoncier lui impose sa représentation de la scène. En effet, dans l’avant-propos, Claudel a souhaité que sa pièce soit interprétée dans un décor très dépouillé (« un bout de corde qui pend, une toile de fond mal tirée et laissant apparaître un mur blanc […] sera du meilleur effet. »). Mais Claudel craignant peut-être que les spectateurs soient désarçonnés par l’absence de décor, introduit un personnage spécifique, l’Annoncier, qui va présenter scène et décor.
C’est un drame qui s’offre aux yeux du spectateur grâce à différents procédés : un registre réaliste et technique dans la description de l’épave du navire (« ses vergues », « ses agrès », « ces canons », « ces écoutilles »), le champ lexical de la guerre (« mât tombé », « pirates », « canons culbutés », « sang », « cadavres ») et une énumération destinée à accentuer l’image du drame qui s’est produit (« l’idée de ce mât, […] de ces canons culbutés, de ces écoutilles ouvertes,