Les crimes d'amour
(1740 - 1814)
Les crimes de l'amour
• Juliette et Raunai, ou la conspiration d'Amboise, nouvelle historique • La double épreuve • Miss Henriette Stralson, ou les effets du désespoir, nouvelle anglaise • Faxelange, ou les torts de l'ambition • Florville et Courval, ou le fatalisme • Rodrigue, ou la tour enchantée, conte allégorique • Laurence et Antonio, nouvelle italienne • Ernestine, nouvelle suédoise • Dorgeville, ou le criminel par vertu • La comtesse de Sancerre, ou la rivale de sa fille, anecdote de la cour de Bourgogne • Eugénie de Franval
FAXELANGE
ou
Les torts de l'ambition
M. et Mme de Faxelange, possédant 30 à 35 000 livres de rentes, vivaient ordinairement à Paris. Ils n'avaient pour unique fruit de leur hymen qu'une fille, belle comme la déesse-même de la Jeunesse. M. de Faxelange avait servi, mais s'était retiré jeune, et ne s'occupait depuis lors que des soins de son ménage et de l'éducation de sa fille. C'était un home fort doux, peu de génie, et d'un excellent caractère ; sa femme, à peu près de son âge, c'est à dire quarante-cinq à quarante ans, avait un peu plus de finesse dans l'esprit, mais à tout prendre, il y avait entre ces deux époux plus de candeur et de bonne foi, que d'astuce et de méfiance. Mlle de Faxelange venait d'atteindre sa seizième année ; elle avait une de ces espèces de figures romantiques, dont chaque trait peint une vertu ; une peau très blanche, de beaux yeux bleus, la bouche un peu grande, mais bien ornée, une taille souple et légère, et les plus beaux cheveux du monde. Soin esprit était doux comme son caractère ; incapable de faire le mal, elle en était encore à ne même pas imaginer qu'il pût se commettre ; c'était, en un mot, l'innocence et la candeur embellies par la main des Grâces. Mlle de Faxelange était instruite ; on n'avait rien épargné pour son éducation ; elle parlait fort bien l'anglais et l'italien, elle jouait de