Faxelange
M. et Mme de Faxelange, possédant 30 à 35 000 livres de rentes, vivaient ordinairement à Paris. Ils n'avaient pour unique fruit de leur hymen qu'une fille, belle comme la déesse-même de la Jeunesse. M. de Faxelange avait servi, mais s'était retiré jeune, et ne s'occupait depuis lors que des soins de son ménage et de l'éducation de sa fille. C'était un home fort doux, peu de génie, et d'un excellent caractère ; sa femme, à peu près de son âge, c'est à dire quarante-cinq à quarante ans, avait un peu plus de finesse dans l'esprit, mais à tout prendre, il y avait entre ces deux époux plus de candeur et de bonne foi, que d'astuce et de méfiance.
Mlle de Faxelange venait d'atteindre sa seizième année ; elle avait une de ces espèces de figures romantiques, dont chaque trait peint une vertu ; une peau très blanche, de beaux yeux bleus, la bouche un peu grande, mais bien ornée, une taille souple et légère, et les plus beaux cheveux du monde. Son esprit était doux comme son caractère ; incapable de faire le mal, elle en était encore à ne même pas imaginer qu'il pût se commettre ; c'était, en un mot, l'innocence et la candeur embellies par la main des Grâces. Mlle de Faxelange était instruite ; on n'avait rien épargné pour son éducation ; elle parlait fort bien l'anglais et l'italien, elle jouait de plusieurs instruments, et peignait la miniature avec goût. Fille unique et destinée, par conséquent, à réunir un jour le bien de sa famille, quoique médiocre, elle devait s'attendre à un mariage avantageux, et c'était depuis dix-huit mois la seule occupation de ses parents. Mais le cœur de Mlle de Faxelange n'avait pas attendu l'aveu des auteurs de ses jours pour oser se donner tout entier, il y avait plus de trois ans qu'elle n'en était plus la maîtresse. M. de Goé qui lui appartenait un peu, et qui allait souvent chez elle à ce titre, était l'objet chéri de cette tendre fille ; elle l'aimait avec une sincérité... une délicatesse qui