Les liaisons dangereuses
Le féminisme est un concept qui n’apparaît dans la langue française qu’en 1837. Pour autant, cela ne signifie pas que certaines revendications ne se soient élevées avant cette date. Nombreux sont les récits qui mettent en scène les femmes dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’attention qu’on apporte à leur éducation, à leur rôle intellectuel et social, fait émerger une nouvelle représentation du modèle féminin dans la littérature romanesque. Mais il serait abusif d’employer le mot « féministe » pour qualifier le roman ou le comportement de la marquise de Merteuil, car les revendications de celleci sont individuelles, elle ne préconise pas l’extension des droits des femmes, elle en méprise même l’asservissement. La lettre 81 souligne à plusieurs reprises l’idée que la libre-pensée pratiquée par la marquise est un acte isolé et qu’elle ne souhaite pas mener un combat collectif. Au contraire, elle cherche à se distinguer, à marquer sa différence :
« Mais moi, qu’ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées ? Quand m’avez-vous vue m’écarter des règles que je me suis prescrites, et manquer à mes principes ? Je dis mes principes, et je le dis à dessein : car ils ne sont pas, comme ceux des autres femmes, donnés au hasard, reçus sans examen et suivis par habitude » ; à la fin de cette même lettre elle ajoute : « qu’après m’être autant élevée au dessus des autres femmes par mes travaux pénibles, je consente à ramper comme elles dans ma marche, entre l’imprudence et la timidité [...] Non, Vicomte ; jamais. »
(Lettre 81)
Ces confidences faites à Valmont révèlent sa lucidité quant au statut des femmes, et bien que
Valmont constitue son double en tant que libertin, son état d’homme ne le place pas dans la même démarche d’opposition. Par ailleurs, si le féminisme revendique une plus grande liberté pour la femme et l’amélioration de son état, comment pourrait-il se satisfaire de l’exemple d’une