Les mots à la mode
Arbitre du bon goût, le romancier nous apprend que " le discours est la partie morale de la toilette " Balzac ne fut pas seulement l'auteur de la Comédie humaine. Il se piquait aussi, quand il ne se mêlait pas de concurrencer l'état civil, d'arbitrer le bon goût. Deux charmants petits articles parus en 1830, et que viennent de reprendre les Editions du Page, nous montrent qu'il ne dédaignait pas de se poser à l'occasion en codificateur de la vie élégante et de se prononcer sur les cas les plus disputés de l'éducation fashionable. Disons-le tout de suite, la matière du premier article, - sur les salons littéraires, - nous paraît aujourd'hui à des années-lumière. Il s'agit de décrire en détail le « mystère social » que constitue une lecture de salon, au temps de la bataille d'Hernani. Balzac raconte les airs extasiés, les tremblements simulant l'état de transe, l'hébétude comblée, en un mot toute la mimique de l'admiration; il apprend à singer des transports, à doser les exclamations, enfin le choix des épithètes. Grâce à lui, nous savons tout sur l'art d'écouter un hémistiche. Il faut avouer que nous n'en aurons pas beaucoup l'usage et que la vie littéraire durant les derniers mois du règne de Charles X n'entretient avec la nôtre que des rapports très éloignés. L'intérêt est ici seulement historique, sinon anecdotique. Babillage et potinage En revanche, le second article va beaucoup plus loin. Il peut s'entendre comme le commentaire d'une phrase de la Duchesse de Langeais : « Le discours est la partie morale de la toilette, il se prend et se retire avec la toque à plumes. » Balzac y traite en effet du mot à la mode, qui vous pose dans la meilleure société. Car il ne suffit pas, pour en être, d'avoir des rentes et une bonne mine; ni même de hanter les fournisseurs du Faubourg-Saint-Germain. Encore faut-il que votre ramage soit en proportion avec votre plumage et que vous possédiez le secret du langage à la mode. On ne se tire hors de