les mûres
Introduction
Dans ce poème, « Les Mûres », Ponge se livre à une description entrelacée du fruit du mûrier et de l’objet poésie lui-même. La mûre n’est pas un fruit évocateur en soi, comme la pomme du désir et de la faute, l’orange des douceurs de l’orient, la grappe de la vigne, de l’abondance de Canaan, la figue ou la grenade. Les mûres sont un fruit pauvre en jus, 1) un fruit dont il n’y a pas grand chose à tirer, 2) mais leur simplicité et leur fleur les apparentent au poème dans le moment de sa création et de sa maturation, 3) sa difficulté d’accès et la pauvreté de son jus parlent alors à l’esprit.
Le poète souligne à plusieurs reprises la pauvreté du fruit. Le spectacle offert par les mûres est raide et rude, comme de vieux aristocrates désargentés. Elles n’incitent guère « à la cueillette », en elle les pépins prennent toute la place, le poète se demande que tirer d’un fruit si misérable. D’autres objets se prêteraient peut-être infiniment mieux à son inspiration, des fruits plus riches aux sucs plus abondants, et pour comble, les mûres sont d’un accès très difficile, fruit d’une ronce qui déchire vêtements et peau. Son aspect n’est guère plus évocateur, trois couleurs simples qui sont celles des âges de sa maturation « Noirs, roses et kakis, une forme de sécheresse jusque dans les couleurs.
Ainsi pas grand chose à tirer, pauvreté du jus, équivalent à pas grand chose à dire, le poète retrouve dans les mûres sa difficulté d’écrire, le maigre jus est une goutte d’encre,
La fleur est depuis longtemps l’image de la poésie. La « fleur très fragile » du mûrier est à l’image du poème dans son effort de produire le sens de son écriture, c’est l’encre coulant du stylo en lettres qui expriment cette naissance, encre rationnée comme le suc de la mûre mais comme lui encore ne s’exprimant qu’à maturité, inutile de presser une mûre avant celle-ci, rien n’en sortira. le poète n’a que la matérialité de l’encre de sa plume pour restituer la