5 Septembre 1915 ,Doazon
Cher Louis

Deux mots pour te donner de nos nouvelles ,en espérant que la lettre viendra te trouver en bonne santé .Maman va mieux depuis la dernière fois ,je pense que les lettres que tu lui envoies lui font du bien ,surtout qu'en ce moment les récoltes ne s'annoncent pas fameuses :le maïs n'est pas bien beau et les pluies incessantes ne font qu’aggraver leur état .Mais depuis ces derniers jours maussades au sein du village ,l'accouchement tant attendu de la voisine Jeanne nous a tous remis la joie au cœur dont nous avions grand besoin .Le curé était venu spécialement de Castillon pour aider la mise au monde de la charmante petite Annette ,qui ressemble tant à son père qui malheureusement est encore au front .Jeanne était bien entendu la première à vouloir annoncer la nouvelle à son mari ,bien que la fatigue de l’accouchement lui subsistait encore ,mais tu connais l’amour mon frère !J'ai entendue l'autre jour une rumeur comme quoi la Guerre arrive bientôt à son terme ,même si je n'y crois pas vraiment elle me donne l'espoir qu'on pourra bientôt être de nouveau réunis .Et même la pensée de t’étreindre et d’entendre ta respiration tout près de mon cou ,me réchauffe le coeur .Mais pour répondre à ta question de la dernière fois ,je pense que je reçois bien toutes tes lettres ,même si la photo au dos de ta carte ne me rassure guère sur tes conditions de vie au front …En espérant que les bombardements se sont atténués de ton côté et que tu aies pu reconstruire ton abri .
Ta sœur qui t’aime