Lettre de rodolphe boulanger à emma bovary dans "madame bovary" de flaubert.
Je ne vous oublierai pas, croyez le bien, et j'aurai continuellement pour vous un dévouement profond, mais, un jours, tôt ou tard, cette ardeur (c'est là le sort des choses humaines) se fût diminuée, sans doute ! Il nous serait venu des lassitudes, et qui sait même si je n'aurai pas eu l'atroce douleur d'assister a vos remords et d'y participer moi même, puisque je les aurai causés. L'idée seule des chagrins qui vous arrivent me torture, Emma ! Oubliez moi ! Pourquoi faut il que je vous ai connue ? Pourquoi étiez vous si belle ? Est-ce ma faute ? Ô mon dieu ! non, non, n'en accusez que la fatalité ! Ah ! Si vous eussiez été une de ces femmes au coeur frivole comme on en voit, certes, j'aurais pu, par égoïsme, tenter une expérience alors sans danger pour vous. Mais cette exaltation délicieuse, qui fait à la fois votre charme et votre tourment, vous a empêché de comprendre, adorable femme que vous êtes, la fausseté de notre position future. Moi non plus, je n'y avais pas réfléchi d'abord, et je me reposais à l'ombre de ce bonheur idéal, comme à celle du mancenillier, sans prévoir les conséquences. Le monde est cruel, Emma. Partout où nous eussions été, il nous aurait poursuivis. Il vous aurait fallu subir les questions indiscrètes, la calomnie, le dédain, l'outrage peut être. L'outrage à vous ! Oh ! ... Et moi qui voudrais vous faire asseoir sur un trône, moi qui emporte votre pensée comme un talisman ! Car je me punis par l'exil de tout le mal que je vous ai fait. Je pars. Où ? Je n'en sais rien, je suis fou ! Adieu ! Soyez toujours bonne ! Conservez le souvenir du malheureux qui vous a perdue. Apprenez mon nom à votre enfant, qu'il le redise