Logique et conversation*
H. Paul Grice
C’est un lieu commun en logique philosophique que de dire qu’il y a, ou semble y avoir un d´calage de sens entre d’une part certains au moins de ceux que e j’appellerai les op´rateurs formels — ∼, ∧ ,∨ ,⊃, ∀x, ∃x, ιx (lorsqu’on leur donne une e interpr´tation bivalente standard) — et d’autre part ce qu’on consid`re g´n´ralement e e e e comme leurs ´quivalents ou leurs homologues dans les langues naturelles — les e expressions comme non, et, ou, si, tous, certains (ou un au moins), le. Des logiciens ont peut-ˆtre parfois voulu soutenir la th`se qu’en fait ce d´calage n’existait pas ; e e e mais cette th`se n’a jamais ´t´ avanc´e qu’` la l´g`re, si mˆme on osait l’avancer, et e ee e a e e e ceux qui ´taient soup¸onn´s de le faire ont ´t´ l’objet de fort vives critiques. e c e ee Ceux qui admettent l’existence de ce d´calage appartiennent pour l’essentiel ` e a l’un ou l’autre de deux groupes rivaux, que pour les besoins de cet article j’appellerai « formalistes » et « informalistes ». Sans trop la d´former, on peut esquisser ainsi e la position formaliste : dans la mesure o` ce qui int´resse les logiciens, c’est de u e formuler les mod`les g´n´raux de validation de l’inf´rence, les op´rateurs formels e e e e e ont un avantage consid´rable sur leurs ´quivalents naturels. Car il sera possible de e e construire ` l’aide de ces op´rateurs formels un syst`me de formules tr`s g´n´rales, a e e e e e et bon nombre d’entre elles peuvent ˆtre consid´r´es au moins comme la meilleure e ee approximation des mod`les d’inf´rences, dont l’expression comprend certains ou e e tous les op´rateurs. Un tel syst`me peut ˆtre compos´ d’un ensemble limit´ de e e e e e formules simples qui sont n´cessairement acceptables si les op´rateurs ont bien le e e sens qui leur a ´t´ assign´, et d’un nombre ind´fini d’autres formules, beaucoup ee e e moins acceptables ` premi`re vue, mais dont l’acceptabilit´ peut ˆtre prouv´e ` a e e e e a partir de l’ensemble