Lorenzaccio musset, littérature
1215 mots
5 pages
Drame destiné à être lu « dans un fauteuil », Lorenzaccio peut enfin être considéré aussi comme un poème : les faits rapportés par Varchi et par George Sand se retrouvent pratiquement chez Musset. Mais ils ne sont plus les mêmes, ils sont colorés par sa sensibilité. Non seulement pour tout ce qui regarde Lorenzo, mais aussi pour Marie Soderini, Tebaldeo, et ce personnage essentiel qu'est Florence : hommes, femmes, ville, bien loin d'être conçus abstraitement, sont aimés, plaints, par un mouvement qui est celui de la compréhension et du cœur. Alexandre lui-même n'est pas complètement odieux. Tous prennent place dans un univers sentimental. La poésie de Lorenzaccio est une poésie passionnée. C'est aussi une poésie de transfiguration, par l'effet de cet autre prisme qu'est l'imagination. On peut classer les nombreuses images qui illustrent le texte, selon les critères habituels de fréquence, ton, utilité, écart, nouveauté. On distinguera surtout les images qui semblent jetées à la surface du dialogue (clichés, réminiscences) et celles qui y sont, au contraire, profondément enracinées, soit par rapport au personnage, soit par rapport à l'auteur (ainsi l'image du spectre vêtu de noir dans la vision de Marie à l'acte II, écho d'une obsession du double fraternel, constante chez Musset). Enfin, la poésie du drame tient à ce qu'il n'est pas destiné à la scène. C'est du « théâtre en liberté ». Le texte supplée au décor. Lorenzaccio, c'est l'Italie rêvée, infiniment plus suggestive que l'Italie vécue. Cette « géographie magique » est celle d'autres voyageurs romantiques (Nerval, Gautier), convaincus dans leurs reportages de cette infidélité au réel qui aboutit à la plus fidèle des vérités : c'est cette supériorité de l'imaginaire que Proust établira dans Du côté de chez Swann.
Sur le plan du mélange des genres, Lorenzaccio offre une variété de nuances plus conforme à l'esthétique romantique. Drame grouillant de vie et parsemé de tableaux sanglants, c'est aussi une