Puis il entra dans la classe de «khâgne». «Mes maîtres, écrira-t-il en 1963, avaient nom Bayet, François, Bernés, Bolavon, Canat, Cayrou, Ponchont, Travers, Roubaud, Huby. Peut-être écorché-je leurs noms. Qu'importe quand je me rappelle, avec la netteté des souvenirs de jeunesse, leurs voix, leurs gestes, leurs tics, leurs vêtements, oh ! surtout leurs leçons. Et cet intérêt, cette sollicitude qu'ils portaient aux quelques ‘’exotiques’’ que nous étions : Pham Duy Khiem, l'Indochinois ; Louis Achille, Aimé Césaire, Auguste Boucolon, les Antillais. Ce qui attira d'abord mon attention chez mes maîtres ce fut cet intérêt, cette gentillesse portée à leurs élèves de couleur. Ce refus de discrimination raciale, qui, peu à peu, devenait, dans les faits, discrète faveur, sans favoritisme au demeurant. C'était là, pour moi, le premier trait du génie français. Des leçons de mes maîtres, j'ai retenu, essentiellement, l'esprit de méthode. Je l'ai souvent dit – en matière de boutade –, la seule chose que j'ai apprise en khâgne, c'est la méthode. Encore une fois, pour être précis, l'esprit de méthode : une volonté de clarté, d'objectivité, d'efficacité. Qu'il s'agisse de thème latin, de version grecque, d'explication française, sans parler d'histoire ou de philosophie, nos maîtres nous inculquaient, tout au long de l'année, plus que des recettes : une certaine façon de poser les problèmes, d'en analyser les données, en mesurant la valeur de chacune, pour reconstituer le tout en une synthèse vivante qui dégageât l'esprit de l'objet. Je veux dire son sens par-delà son style. Ainsi, semaine après semaine, année après année, j'ai pu avancer dans la connaissance du génie gréco-latin, dont la civilisation française est la principale héritière. Ainsi, j'ai pu, peu à peu, décrypter le sens de l'Histoire, qui se trouve enfermé dans les faits économiques et sociaux ; le sens de la philosophie, qui réside dans la dialectique : le dialogue du sujet et de l'objet, de l'esprit et de la