L'Histoire de Madame de la Cartière est un récit qui laisse perplexe, de prime abord, car il semble se dérouler sur deux registres différents dont le rapport n'est pas présenté de manière explicite. Ce récit évoque en premier lieu l'histoire du chevalier Desroches. C'est elle qui a inspiré à Naigeon, l'ami de Diderot, qui a publié les œuvres complètes de ce dernier, le titre qu'il a probablement attribué au texte et sous lequel cet écrit a été publié, à savoir Sur l'lnconséquence du Jugement public de nos actions particulières. En effet, le chevalier Desroches «est une des plus malheureuses victimes des caprices du sort et des jugements inconsidérés des hommes» (Diderot, Œuvres Romanesques, Garnier, 1962, p. 814). Il est tenu à l'écart par tous et accusé de fautes dont il n'est pas coupable, affirme le narrateur. Il mène une vie triste et solitaire, et passe pour un fou instable «qui a subi toutes sortes de métamorphoses, et qu'on a vu successivement en petit collet, en robe de palais, et en uniforme» (ibid.). Effectivement, Desroches a fait partie de l'Eglise, de la magistrature et de l'armée, pourtant ces changements d'état ne sont pas le fruit d'une instabilité caractérielle mais de circonstances précises, que le narrateur va porter à la connaissance de son interlocuteur et du lecteur, pour corriger les bruits que l'opinion publique, qui juge sans connaître le fond des choses, a fait courir sur le malheureux chevalier. Le narrateur se propose donc, pour s'opposer à ces abus, de raconter la véritable histoire de Desroches, qui recoupe en partie celle de Madame de la